Victime de l’instabilité politique née de la dissolution parlementaire du 9 juin 2024, le Premier ministre multiplie les manœuvres pour repousser les dossiers explosifs et ainsi se maintenir au pouvoir.
Le vendredi 13 juin 2025 est une date peut-être passée inaperçue dans l’opinion française, mais très significative pour François Bayrou. Elle marque ses six mois au poste de Premier ministre, un accomplissement que son prédécesseur Michel Barnier aurait sans doute payé cher pour réaliser.
Ce dernier n’aura tenu que 90 jours, inscrivant son nom au triste record de chef du gouvernement le plus éphémère de la Ve République. Le manque de majorité parlementaire pour le président Emmanuel Macron, résultant de sa dissolution surprise de l’Assemblée nationale de l’été dernier, a en effet transformé Matignon en « mouroir » pour ses occupants.
Les occasions de faire chuter Bayrou n’ont pourtant pas manqué. Le Premier ministre a déjà échappé à sept motions de censure depuis sa nomination. La dernière tentative n’a obtenu que 116 voix sur les 289 requises, faute de soutien du Parti socialiste (PS) et du Rassemblement national (RN).
Le temps comme allié stratégique
Le patron du MoDem profite donc du paysage fragmenté au Palais Bourbon, mais c’est surtout sa stratégie du temps long qui maintient son gouvernement à flot, malgré la menace permanente d’une motion de censure.
Celui dont le destin semblait lié au sort de la réforme sensible des retraites a multiplié les manœuvres dilatoires ces derniers mois, avec pour point d’orgue l’organisation d’un conclave réunissant tous les partenaires sociaux afin de démêler les points d’achoppement.
Mais à l’approche de la fin des travaux, le Premier ministre sort une nouvelle carte de son chapeau : une « prime » pour les salariés seniors qui acceptent de prolonger leur activité professionnelle.
De quoi alimenter ce dialogue social qui s’éternise, donner du grain à moudre aux parties prenantes et lui permettre de gagner du temps, alors que le PS dénonce déjà un « gâchis ».
Un pari risqué sur l’usure politique
« Le moment de vérité pour la censure, ça va être le budget, donc nous attendrons évidemment le budget pour nous prononcer », déclare le président du RN, tandis que le chef du gouvernement mise également sur les questions budgétaires pour gagner du temps.
« Notre dette augmente bien trop vite, car nous dépensons trop par rapport à nos recettes. La France ne produit et ne travaille pas suffisamment », avait-il relevé il y a quelques jours. François Bayrou compte désormais sur deux autres atouts pour traverser l’été : la présentation de son budget à la mi-juillet, en pleine trêve parlementaire, et le projet de loi sur la proportionnelle prévu en septembre.
Un calendrier savamment orchestré qui pourrait lui permettre de franchir le cap de l’année à Matignon. Reste à savoir pour combien temps encore parviendra-t-il à repousser les sujets sensibles, alors que sa stratégie est de plus en plus percée à jour. « Sa seule obsession est de durer, et pendant ce temps-là, tous les dossiers sont laissés sans arbitrage« , cingle le député Harold Huwart, dans les colonnes du Monde.