Un photographe allemand a gagné un prestigieux concours aux Etats Unis avec une image générée par intelligence artificielle. Après avoir révélé lui-même la supercherie, l’artiste a indiqué qu’il voulait ouvrir le débat sur cette technologie effarante.
Rien ne résiste décidemment à l’intelligence artificielle. Après avoir pénétré la littérature, les mangas et la peinture, cette technologie s’attaque à un nouveau domaine artistique : la photographie. Aux Etats Unis, l’Allemand Boris Eldagsen suscite une vive controverse dans le milieu après avoir remporté le prestigieux prix des Sony World Photography Awards avec une œuvre générée par intelligence artificielle.
Récompensée dans la catégorie Creative
La photographie intitulée « Pseudomnesia: The Electrician » représente deux femmes des années 1940 dans des tons sépias (blanc et noir). Elle a été choisie parmi 415 000 photos venues de 200 pays. L’œuvre concourait dans la catégorie Creative, qui met à l’honneur des créations expérimentales repoussant les limites de la photographie. Sont notamment tolérées les cyanotypes, les rayographies et les pratiques numériques de pointe. A partir de ces critères, la World Photography Organisation (l’organisatrice de cette compétition) a d’abord considéré que Pseudomnesia (« faux souvenir ») rentrait dans le cadre des techniques nouvelles.
Une supercherie grâce à DALL-E 2 d’OpenAI
Elle a donc validé la nomination et n’avait fait aucun commentaire jusqu’à ce que Boris Eldagsen refuse le prix. Mû par l’honnêteté, le lauréat a révélé que son image a été créée grâce à l’intelligence artificielle et non via un appareil photo. Il a précisé avoir utilisé le générateur d’images DALL-E 2 d’OpenAI, la société américaine à l’origine du fameux ChatGPT. Mis devant les faits, le jury a reconnu avoir été induit en erreur. Il a d’abord accusé l’artiste allemand d’avoir eu un comportement « délibérément » trompeur avec sa photographie et a rejeté tout dialogue constructif avec lui.
Un appel à la discussion sur l’avenir de la photographie
Mais il s’est vite rétracté. Le jury a fini par retirer l’œuvre de la compétition conformément aux souhaits de l’artiste. Puis il a émis le souhait d’avoir une discussion sur le sujet dans une section de questions/réponses sur son site internet. De son côté, Boris Eldagsen s’est défendu d’avoir voulu tromper tout le monde. Pour preuve, il a été transparent sur la nature de sa photographie et a refusé la récompense. Selon lui, il cherchait simplement à tester la vigilance des jurés du concours et à ouvrir le débat sur l’avenir de la photographie à l’aulne de l’intelligence artificielle.
Une perfection de plus en plus inquiétante
L’artiste allemand a soutenu que « les images générées par l’IA et les photographies ne devraient pas concourir ensemble dans un prix comme celui-ci ». Il n’est pas seul à le penser. De nombreux photographes appellent à séparer les genres. Ils souhaitent surtout entamer une véritable réflexion sur cette nouvelle technologie. Ces professionnels craignent que l’IA ne menace leur métier en permettant à n’importe qui de générer des images exceptionnelles à partir d’un texte descriptif. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus sourire des imperfections de l’IA, qui s’améliore à une vitesse fulgurante.
De l’exploitation illégale des œuvres de créateurs
Cette innovation évolue tellement vite qu’il est devenu quasiment impossible de faire la différence entre une œuvre créée par un être humain et une autre générée par l’intelligence artificielle. Boris Eldagsen l’a d’ailleurs prouvé en trompant assez facilement le jury du concours Sony World Photography. Mais là ne réside seulement le problème. Il y a aussi des controverses sur la propriété intellectuelle. Les photographes accusent les systèmes d’IA d’exploiter illégalement les œuvres de centaines de milliers de créateurs. Certains ont même lancé des poursuites judiciaires pour des droits d’auteur.