Pourquoi l’Inde reste fidèle à la Russie

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Incapable d’infléchir directement la position russe sur l’Ukraine, Donald Trump mise sur les pressions exercées contre New Delhi pour isoler Moscou. Une approche vouée à l’échec, estiment plusieurs analystes géopolitiques.

Depuis le 27 août, l’Inde est frappée de droits de douane de 50% par les États-Unis, conformément au décret signé trois semaines plus tôt par Donald Trump en rétorsion aux relations commerciales entre New Delhi et la Russie.

« L’Inde n’achète pas seulement des quantités massives de pétrole russe, elle revend ensuite, pour une grande partie du pétrole acheté, sur le marché libre avec de gros profits. Elle ne se soucie pas du nombre de personnes en Ukraine qui sont tuées par la machine de guerre russe », a fulminé l’envoyé spécial du président américain, Steve Witkoff, il y a quelques semaines sur X.

Cette déclaration est pour le moins ironique au regard de la mansuétude affichée par l’administration américaine vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine depuis l’arrivée au pouvoir de Trump. C’est bien ce dernier qui a coupé l’aide militaire à l’Ukraine et humilié son homologue Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche.

Par ailleurs, aucune des menaces proférées par le dirigeant républicain à l’encontre du chef du Kremlin n’ont été mises à exécution. Pire, ce dernier s’en sort en déployant toujours plus de frappes sur Kiev.

Des racines historiques tenaces

« Dans un ou deux mois, l’Inde sera assise autour de la table. Ils diront qu’ils sont désolés et ils voudront conclure un accord avec Donald Trump », s’est vanté le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, vendredi 5 septembre dans une interview accordée à Bloomberg TV.

Cette menace sonne pourtant creux dans les oreilles des dirigeants indiens. « L’Inde continuera à acheter du pétrole russe », a répété le même jour, Nirmala Sitharaman, la ministre des Finances du pays. Cette fermeté illustre la profondeur d’une alliance russo-indienne qui transcende les pressions occidentales, comme le raconte le Wall Street Journal (WSJ).

Cela remonte aux premières années qui ont suivi l’indépendance de l’Inde en 1947. Contrairement aux puissances occidentales qui adoptaient une approche prudente ou conditionnelle envers la jeune nation, l’Union soviétique a offert un soutien diplomatique, militaire et économique.

Plus tard, quand l’Inde fut confrontée à la pression internationale, notamment de la part des États-Unis et de la Grande-Bretagne, Moscou n’a pas hésité à exercer son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies pour protéger New Delhi.

Un pari perdu d’avance

Plus significativement, l’Union soviétique a déployé sa flotte navale dans l’océan indien comme contrepoids aux forces navales américaines et britanniques. Au fil des décennies, cette relation a survécu à l’effondrement de l’Union soviétique, s’adaptant aux nouvelles réalités géopolitiques sans perdre son essence fondamentale de confiance mutuelle.

« Beaucoup d’Indiens considèrent encore aujourd’hui la Russie, en raison de cette histoire, comme un partenaire fiable », souligne Harsh V. Pant, directeur des études stratégiques à l’Observer Research Foundation de New Delhi, interrogé par le WSJ, alors que l’Inde représentait plus d’un tiers des exportations pétrolières russes l’année dernière.

Le pays importe 90% de son pétrole brut, une dépendance qui rend les prix avantageux russes particulièrement attractifs. Au-delà de l’énergie, le partenariat militaire demeure un pilier de la relation. Malgré ses efforts de diversification, plus de 50% de l’arsenal indien reste composé d’équipements russes ou soviétiques.

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