« Diella » est présentée par le pouvoir comme un rempart contre la corruption endémique dans le pays. L’opposition reste sceptique.
L’essor de l’intelligence artificielle et son intervention de plus en plus avancée dans les tâches quotidiennes laissaient présager cette évolution, mais elle n’en reste pas moins intrigante. L’Albanie vient en effet de nommer sa première ministre IA.
Baptisée « Diella » – « soleil » en albanais –, cette intelligence artificielle a été nommée jeudi 11 septembre par le Premier ministre Edi Rama, fraîchement réélu pour un quatrième mandat. Représentée à l’écran comme une femme vêtue d’un costume folklorique albanais traditionnel, elle accompagnait depuis le début de l’année les usagers sur les sites gouvernementaux, en qualité d’assistant virtuel.
Son rôle prend désormais une nouvelle dimension, car la machine se voit confier la gestion des marchés publics. De quoi garantir leur exemption totale de la corruption « à 100% », selon les mots du chef du gouvernement prononcés devant le parlement.
Il promet également que « chaque denier public soumis à la procédure d’appel d’offres sera parfaitement transparent ». Dans un pays gangréné par le blanchiment d’argent et la corruption – au point que son adhésion à l’Union européenne, espérée pour 2030, s’en trouve hypothéquée –, la nomination de Diella apparaît comme une mesure opportune.
L’opposition dénonce un « coup de com’ »
D’autant que son bilan est plutôt impressionnant. Depuis sa mise en ligne, l’IA a fourni près de 36 000 documents numériques et facilité un millier de services administratifs. Mais elle est loin de faire l’unanimité.
L’opposition a ainsi rué dans les brancards lors de la session réservée au vote du nouveau gouvernement, huant notamment la ministre virtuelle. Sali Berisha, ancien Premier ministre et actuel chef du Parti démocratique – lui-même poursuivi pour corruption –, a fustigé cette nomination qu’il qualifie de pure manœuvre médiatique.
« Il est impossible de freiner la corruption avec Diella », a-t-il déclaré, alors que son parti dénonce l’inconstitutionnalité de cette nomination et annonce la saisine de la Cour constitutionnelle à cet effet.
Une transparence en trompe-l’œil ?
Au-delà des critiques politiques, une interrogation surgit : une intelligence artificielle peut-elle réellement être neutre ? Car si cette IA est censée être incorruptible, elle n’en reste néanmoins le produit de choix humains.
Qui contrôle ces paramètres ? Qui audite les décisions de Diella ? Comment s’assurer que la machine ne soit détournée de son objectif originel ? Ce sont autant de questions que le gouvernement a laissées pour l’heure en suspens.
En attendant, Diella plaide son cas, en assurant devant le parlement, incarner « avec autant de rigueur que n’importe quel collègue humain » et « peut-être même plus », les valeurs « de devoir, de responsabilité, de transparence, sans discrimination ».