L’Europe vient de lancer un projet de recherche pour le développement d’un canon électromagnétique qui révolutionnerait l’artillerie. Cette arme supersonique serait capable d’atteindre six fois la vitesse du son et d’envoyer un projectile à plusieurs centaines de kilomètres, et ce sans poudre ou autre propulseur chimique.
L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) a annoncé le 17 juin 2020 la création d’un consortium européen appelé Pilum (Projectiles for Increased Long-range effects Using Electro-Magnetic railgun) destiné à mettre au point un canon électromagnétique de longue portée, aussi appelé canon à rail ou railgun. Pilum se compose des groupes Nexter, Naval Group (France), Diehl Defence (Allemagne), Explomet (Pologne), Icar (Italie) et de l’institut belge de recherches Von Karman.
« Ce projet, prévu pour durer deux ans, a pour objectif de démontrer que ce type de concept de canon à rails est en mesure de lancer des projectiles hypervéloces avec précision sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres », indique dans un communiqué le consortium Pilum, qui a été sélectionné par l’Agence européenne de la défense (AED). Le futur canon électromagnétique serait capable de propulser des projectiles à vitesse hypersonique (plus de 7.200 km/h, soit trois fois plus rapide que les missiles actuels) et d’atteindre des cibles situées à plus de 200 kilomètres de distance.
Un projet financé à hauteur de 1,5 million d’euros
Le railgun réduit le risque d’exposition des forces armées contre une éventuelle riposte, tout en diminuant le temps de vol (ce qui limite le risque d’interception). Il améliore surtout les conditions de sécurité, puisqu’il n’y a plus de poudre propulsive à manipuler et à stocker. En outre, il est bien plus avantageux économiquement, car le coût unitaire d’un tir s’élève à environ 50.000 euros, contre 850.000 euros pour un missile de longue portée classique type Scalp ou 2,86 millions d’euros pour un missile de croisière naval MdCN.
Le financement, pour l’heure limité, s’élève à 1,5 million d’euros. Une somme bien inférieure à celle consacrée à l’Electromagnetic Railgun ou EMRG américain. Le budget de l’arme américaine a été cependant réduit à 9,5 millions de dollars pour 2021, et ne figure même plus dans aucun budget pour les années 2022-2025. Ce projet a déjà englouti plus de 500 millions de dollars depuis 2005, alors qu’on n’en voit toujours pas les résultats. Les Américains se seraient simplement cassé les dents sur ce fameux canon électrique.
L’ISL croit pouvoir faire mouche
Malgré le revers américain, les Japonais, les Russes et les Chinois sont eux aussi sur le coup. En 2018, des photos d’essais en mer à bord du Haiyang Shan, le plus gros navire de combat amphibie chinois, ont fuité dans les médias. Les Chinois seraient un peu plus avancés sur le projet. De son côté, l’ISL semble confiant. « Nous travaillons depuis une trentaine d’années sur ce projet et disposons de ce fait d’une expérience unique dans le domaine », fait-il valoir. « Dans un premier temps, l’objectif du projet sera de valider le concept du canon en se basant sur des simulations numériques et des expériences scientifiques » avant d’étudier « l’intégration du canon à rails dans des plateformes terrestres et navales », explique le consortium Pilum. Une deuxième étape serait le développement d’un démonstrateur, sorte de prototype destiné à démontrer la viabilité du concept, à l’horizon 2027.