La Nouvelle-Calédonie sort ce mercredi de deux jours d’émeutes dans la capitale Nouméa et ses environs, en réponse à l’adoption d’une réforme constitutionnelle élargissant le corps électoral. Des voitures ont été brûlées et des commerces pillés ou incendiés. Craignant une dangereuse escalade, les autorités appellent au calme.
Depuis deux jours, la Nouvelle-Calédonie est en proie à des émeutes sans précédent. Le lundi et le mardi, des centaines de manifestants ont caillassé et brûlé des voitures sur la voie publique. Ils ont également pillé et/ou incendié des commerces, des entreprises et même des usines.
En Nouvelle-Calédonie, la réforme constitutionnelle élargit le corps électoral aux nouveaux résidents
Selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, il y a eu une centaine d’interpellation et des centaines de blessés, dont des gendarmes et policiers. Trois émeutiers ont également perdu la vie. Ces manifestants, pour la plupart jeunes, protestent contre l’adoption par l’Assemblée nationale d’une réforme constitutionnelle. Celle-ci élargit le corps électoral aux personnes venues de France et vivant depuis peu sur l’archipel du Pacifique.
Le droit de vote réservé jusqu’ici aux natifs et aux résidents de longue date
En vertu de l’accord de Nouméa signé en 1998, après plusieurs années de troubles, seuls les natifs et les résidents de longue date de la Nouvelle-Calédonie ont droit de prendre part aux élections provinciales et aux référendums. Cette mesure vise à préserver l’équilibre entre la population autochtone kanake et les nouveaux arrivants de France métropolitaine.
Les Kanaks craignent de devenir minoritaires
Selon un recensement de 2019, les natifs représentaient 41,2 % de la population du Caillou, qui s’élevait à 270.000 habitants. Ces autochtones craignent de voir les nouveaux venus, de plus en plus nombreux, décider à leur place de la gouvernance de l’île, alors qu’ils n’ont aucune attache avec elle. Ils considèrent d’ailleurs ce dégel du corps électoral comme une tentative de recolonisation, alors qu’on parle aujourd’hui d’indépendance.
La Nouvelle-Calédonie se remémore les violences des années 1980
Les protestataires Kanaks se disent résolus à poursuivre leurs actions. Ils ne veulent pas que la lutte menée par leurs pères dans les années 1980 soit vaine. Avec les violences de lundi et mardi, certains ont l’impression de revivre le douloureux passé de leur peuple, marqué par les coups de fusils et les intrusions de militaires dans les maisons. Plusieurs jeunes autochtones préparaient de nouveaux assauts dans la capitale Nouméa et sa banlieue.
Les appels au calme se multiplient
Les autorités craignent une poussée de violence, voire un basculement dans le chaos du reste de la Nouvelle-Calédonie, jusqu’ici épargné par les émeutes. Face au risque de déflagration, les appels au calme se multiplient. Le Front de libération kanak socialiste (FLNKS) et la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), pourtant à l’origine de la mobilisation, ont même invité à la retenue. Mais les jeunes gens sont incontrôlables.
La pauvreté et le chômage sévissent en Nouvelle-Calédonie
Ces émeutiers semblent profiter de cette protestation pour déverser leur trop plein de frustration sociale. En effet, ils sont durement touchés par le chômage depuis plusieurs années. Au moins 26% des jeunes calédoniens ne travaillent pas. De plus, l’archipel fait face à une situation économique difficile, en raison principalement de la crise dans le secteur du nickel, principal employeur. Aujourd’hui, un Calédonien sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
La Nouvelle-Calédonie, le territoire ultramarin le plus cher
Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie est le territoire ultramarin le plus cher. L’écart de niveau de prix à la consommation avec l’Hexagone s’élève 31 %, et même à 78% pour les seuls produits alimentaires. Dans un tel contexte, il y a des raisons de s’inquiéter d’une escalade. Redoutant ce scénario, certains élus demandent l’instauration de l’état d’urgence et l’intervention de l’armée, en appui à la police et à la gendarmerie.
Des renforts du GIGN attendus en Nouvelle-Calédonie
Des éléments du GIGN, du Raid et de la CRS 8 sont déjà mobilisés sur place. Mais des renforts arrivent de France métropolitaine, dont cinquante autres membres du GIGN, attendus en Nouvelle-Calédonie à la fin de la semaine. Notons que tout n’est pas encore perdu pour les Kanaks. La réforme constitutionnelle doit encore être votée aux trois cinquièmes des voix par le Parlement réuni en Congrès à Versailles.