Le géant suisse de l’agroalimentaire engage un profond renouveau managérial, que les investisseurs attendent comme un tournant stratégique après une période de turbulences qui a fragilisé la marque.
« Ramener Nestlé dans des eaux calmes ». Telle devrait être l’une des principales missions de Pablo Isla, nouveau président du Conseil d’administration de l’entreprise agroalimentaire, selon Ingo Speich, responsable de la durabilité et de la gouvernance chez le gestionnaire d’actifs allemand Deka Investment, cité par Reuters.
Le propos ne pourrait être plus juste, tant le groupe suisse apparaît comme dans du sable mouvant, subissant bouleversement sur bouleversement. Une période d’instabilité dont le nouveau président n’est d’ailleurs qu’un des derniers symboles.
Ancien PDG d’Inditex, la maison-mère de Zara, il succède à Paul Bulcke après seize années de règne, dont huit comme PDG et huit comme président. Sa nomination, intervenue six mois plus tôt que prévu, sonne comme un coup de force.
Le dirigeant de 71 ans n’a pas tenu face aux pressions croissantes contre lui ces derniers mois. Le coup de grâce lui a finalement été asséné à travers le limogeage le 3 septembre du PDG Laurent Freixe, coupable d’avoir entretenu une liaison avec une subordonnée, en violation du code de conduite de la société.
Le vœu d’un « nouveau départ »
« Les investisseurs voulaient un nouveau départ, avec un nouveau PDG et un nouveau président pour écrire le prochain chapitre », confie Jean-Philippe Bertschy, analyste à la Banque Vontobel, à Reuters, alors que les chiffres du groupe empiraient sur le marché.
À tel point que l’entreprise a vu sa valeur boursière s’effondrer de plus de 40% du cours de l’action depuis son plus haut niveau atteint en 2022. « Les investisseurs de Nestlé veulent maintenant que l’entreprise atteigne ses objectifs, notamment en accélérant la croissance des ventes », déclare Bertschy.
D’après lui, « l’une des principales priorités du nouveau président sera de réorganiser le conseil d’administration, qui devrait également prendre l’entière responsabilité de la mauvaise performance des années passées ».
Réinventer le modèle Nestlé
Aux côtés du nouveau PDG Philipp Navratil, Isla, premier président externe depuis un quart de siècle, devra impulser une dynamique nouvelle. Cela consiste à accélérer le développement de produits, renforcer le marketing et potentiellement réduire significativement le nombre de marques du groupe.
Ce dernier point est d’autant plus crucial que Nestlé, leader mondial des biens de consommation dont la renommée s’est construite sur une stratégie de diversification tous azimuts, produit désormais tout, de la formule infantile aux pizzas surgelées, en passant par les capsules de café et la nourriture pour animaux.
« Actuellement, Nestlé ressemble à un grand magasin universel. La vraie question est : dans quels domaines existe-t-il réellement un potentiel de croissance ? « , analyse Kai Lehmann, gestionnaire de portefeuille chez Flossbach von Storch, dans les colonnes de Reuters.
