Selon une étude américano-danoise, les personnes qui entendent une voix intérieure ont de meilleures capacités cognitives. A l’inverse, les individus sans voix intérieure ont des difficultés avec la mémoire verbale. Mais ces derniers peuvent compenser ce défaut apparent par des stratégies alternatives.
La plupart d’entre nous disent entendre souvent une voix intérieure leur parler au moment d’accomplir une tâche. Nous conversons avec cet autrui imaginaire comme on le ferait avec un ami intime. Parfois, ce phénomène se traduit par une petite musique intérieure avec des mélodies et des rythmes. Les artistes disent en être familiers. La conversation avec soi-même permettrait aussi de retenir temporairement, comme un numéro de téléphone ou le code d’une carte de crédit.
5 à 10 % de la population mondiale n’entendent pas de voix intérieure
Mais, contrairement à ce que l’on pense, tout le monde n’entend pas cette parole intérieure. Elle serait spécifique à certaines personnes. C’est ce qu’affirment les chercheurs en sciences cognitives Johanne Nedergaard et Gary Lupyan, respectivement de l’université de Copenhague et de celle du Wisconsin à Madison, dans une étude parue en mai dernier dans la revue Psychological Science. D’après leurs recherches, environ 5 à 10 % de la population mondiale ne connait pas un dialogue interne constant.
L’absence de voix intérieure s’appelle l’anendophasie
Cette absence de voix intérieure, les deux spécialistes en neurosciences cognitives l’appellent « anendophasie » («an-» pour l’absence, «endo» pour l’intérieur, et «-phasie» pour le discours). Ce phénomène se traduit par une incapacité quasi totale, voire complète, à créer un langage intérieur ou à entendre un son imaginaire. Il peut avoir un impact sur le comportement de ces individus dans des expériences de psychologie expérimentale.
Quatre expériences cognitives pour évaluer l’absence d’une voix intérieure
Pour en arriver à ces conclusions, Nedergaard et Lupyan ont procédé à quatre expériences cognitives liées au langage auprès d’une centaine de participants avec lesquels ils avaient déjà travaillé dans le cadre d’une précédente étude. Une moitié affirmait avoir une voix intérieure prépondérante, et l’autre déclarait le contraire. Dans le premier exercice, ces individus devaient répéter cinq mots dont on venait brièvement de leur montrer la liste. Et dans le deuxième, ils devaient montrer leur capacité à dire si les noms des objets figurant dans deux images rimaient.
Aucune différente quand on parle à voix haute
Dans les deux expériences, le groupe des personnes ayant une voix intérieure plus forte a été plus précis et parfois plus rapide. Nedergaard et Lupyan ont ensuite créé un nouveau groupe constitué à parts égales de personnes ayant une voix intérieure et de personnes n’en ayant pas. Chacun devait parler à voix haute. Les chercheurs ont constaté que les écarts avaient disparu. Ce qui suggère que se parler à voix haute compense l’absence de voix intérieure.
On peut compenser l’absence de voix intérieure par des moyens alternatifs
Dans les troisième et quatrième expériences, il s’agissait de changer rapidement de tâche et d’exécuter certains exercices spécifiques. Ces tests n’ont révélé aucune différence parmi les deux groupes initiaux. Par conséquent, la voix intérieure ne semble pas être le seul moyen de s’aider pour ce type de pratique. Par ailleurs, Nedergaard et Lupyan ont noté que les personnes atteintes d’anendophasie pouvaient développer des stratégies cognitives uniques pour compenser l’absence de voix intérieure. Notamment en tapotant avec leur index ou leur majeur pour différencier les tâches au moment de les exécuter.
D’autres pistes à étudier
Nedergaard et Lupyan précisent que l’anendophasie ne constitue pas en soi un handicap puisqu’il existe des moyens de la compenser. Cependant, elle pourrait être problématique dans certains cas, comme lors d’une thérapie cognitivo-comportementale. En effet, cette forme de thérapie s’appuie généralement sur l’identification et la modification des schémas de pensée. Avoir une voix intérieure aide pour ce processus. Maintenant, les chercheurs souhaitent explorer si d’autres aspects du langage et de la cognition sont affectés par l’absence de voix intérieure, comme le bégaiement.