L’électrogramme semble bien plat à Bamako. Plus de révolte, plus de colère, face à une situation qui est en tout point scandaleuse. Un pays morcelé par des groupes armés, rongé par le cancer du chômage de masse, dirigé par une horde de cyniques qui ne font même plus semblant de s’intéresser au peuple pendant qu’ils se remplissent les poches. Faut-il sombrer dans le désespoir ? L’apathie ? Où trouver des raisons d’espérer et en quelle voie croire à l’heure où ne se dessine aucun chemin aisé vers le sursaut national ?
Au Mali, depuis 2012, c’est au pluriel qu’il faut parler des crises. Crise sécuritaire évidemment, avec l’insécurité et la violence qui progressent toujours d’avantage à travers le pays. Crise économique et sociale, qui alimente tous les extrémismes et désespère la jeunesse. Crise politique aussi, avec un régime à bout de souffle porté par des caciques corrompus, usés et sans idées. Crise morale enfin, avec un peuple qui a perdu le sens du bien commun et l’espoir d’un avenir meilleur possible par le travail et la concorde.
C’est la crise sécuritaire qui a alerté le monde sur la situation au Mali. Des colonnes de djihadistes progressant jusqu’à Tombouctou. Menaçant Bamako. Les images ont choqué. Mais elles étaient trompeuses. La guerre civile et l’expansion salafiste au Mali n’est pas tant un phénomène religieux que l’expression d’une détresse économique et sociale. Les fondements de l’explosion de l’Etat malien étaient posés depuis de nombreuses années et tenaient à une réalité trop longtemps ignorée : le désespoir d’une jeunesse laissée pour compte, sans balise face au chômage de masse.
Chômage. Misère. Inégalités. Un triptyque qui explique bon nombre des maux du Mali. Qui devient le carburant à toutes les folies quand il s’installe dans le long-terme et que les difficultés du présent ne sont pas compensées par de l’espoir en l’avenir. Force est de constater que l’espoir en l’avenir est mort depuis belle lurette. Qui au gouvernement, et même plus généralement dans la classe politique, pour le porter. Une élite consanguine qui se partage le pouvoir et pille le pays depuis plus de trente ans.
A l’origine de toutes les crises du Mali, on retrouve donc l’incapacité et la rapacité d’une classe politique qui a toujours cherché à se servir plutôt qu’à servir le peuple. Par le jeu des élections et des coups d’état, on a cherché à maquiller la réalité qui fait que ce sont toujours les mêmes qui ont profité du système depuis l’indépendance au dépens de la population. Cette réalité est désormais apparue dans toute son évidence aux citoyens maliens. D’où le désespoir. D’où le fait de ne plus croire en la politique, de ne plus vouloir se mobiliser pour des dirigeants qui n’ont que leur propre intérêt en tête.
Pour sortir la tête de l’eau, c’est donc vers de nouvelles figures et de nouvelles générations que les Maliens doivent se tourner. Des femmes et des hommes issus de la société civile, qui cherchent à servir leur pays plutôt qu’à se servir. L’électrochoc ne peut pas avoir lieu avec les mêmes gouvernants qui ont poussé le pays au bord du gouffre. Il faut de nouvelles têtes et des idées fraiches. Un programme économique et social ambitieux pour redonner de l’espoir au peuple malien et sortir de la dynamique du renoncement.